
Le plaisir des mets

Le plaisir des mets
L'île Maurice n’est pas seulement la destination rêvée pour tous les affamés de soleil, les amoureux des lagons, les randonneurs infatigables et les aquariophiles chevronnés qui, la tête hors de leur bocal, peuvent enfin admirer des poissons en liberté. Son terroir généreux exploité par des producteurs en quête d’excellence et une cuisine riche de plusieurs influences en font aussi un rêve d’épicurien.
Les produits de la terre…
Mais quelle mouche a bien pu piquer les Néerlandais quand ils ont décidé d'abandonner leur Mauritius, convaincus qu’ils n’en tireraient jamais rien d’autre que des pépins ? Désolé les Bataves, mais l’île est tout le contraire d’une ingrate ! Sa terre se montre généreuse avec tous ceux qui prennent soin d’elle, récompensant leur labeur de la plus belle des manières : en leur donnant de quoi créer nectars et délices d’exception. Des sucres, des confitures, des thés, des rhums ou des cafés qui, très souvent, partagent un même label : made in Moris. Cette marque officielle atteste de l'origine 100 % mauricienne des produits à laquelle elle est associée. Un vrai gage d'authenticité.
Toute règle a son exception. Ainsi, l’abus de sucre n’est pas bon pour la santé, sauf pour celle de l’économie mauricienne ! Pendant deux siècles, l’île s’est consacrée quasi exclusivement à cette denrée, exploitant jusqu’à 80 000 hectares de cannes à sucre, soit 90 % de ses terres cultivées et… 40 % de sa surface totale ! Elle en tirait chaque année plus de 700 000 tonnes de sucre, exportées en grande partie vers l’Europe. Une grosse dépendance au saccharose à laquelle le pays a mis fin, dans les années quatre-vingt, en s’ouvrant largement au tourisme. La production sucrière a ainsi chuté des deux tiers en près de cinquante ans. Les cannes continuent néanmoins de pousser et les dix dernières usines insulaires — elles étaient deux cent cinquante au XIXe siècle — de les broyer pour en extraire le vesou, ce jus à l’origine du sucre de canne.
Cela dit, si les Mauriciens produisent moins, ils produisent mieux ! Forts d’un savoir-faire centenaire*, ils ont notamment développé le segment des sucres dits « de spécialité » qui font un tabac en Europe. Ils sont au sucre ce que les crus classés sont au bordeaux : la grande noblesse. Demerara fin, sec ou standard, granulé café (ou coffee crystals, délicieux dans un Irish coffee), golden standard ou semoule, sucre mélassé… : il existe à Maurice près d’une vingtaine de variétés haut de gamme. Mais notre préférence — pour en avoir usé avec bonheur dans nos gâteaux maison ! — va au muscovado.

© Adobe Stock/Mara Zemgaliete
On dit qu’il était déjà le préféré de Napoléon. Une chose est sûre, c’est que le muscovado mauricien est aujourd’hui régulièrement loué par les grands chefs et les maîtres pâtissiers hexagonaux. Brun ou clair, il est toujours pur et non raffiné et se frotte ainsi à nos papilles avec toute la puissance de sa mélasse et de ses minéraux. Il les régale alors d’arômes caramélisés, fumés, réglissés. Tout un pain d’épices dans une cuillère ! En plus de ça, il est bien plus healthy que nos sucres ordinaires. Riche en fer, en magnésium, en vitamines A et B, il affiche un pouvoir sucrant tel qu’on peut réduire la quantité de sucre dans sa recette de 25 % au moins pour un résultat équivalent. Mais bon, ça reste du sucre et il est donc à consommer avec modération.
* Pour découvrir l’histoire mauricienne de la canne à sucre et de son industrie, rien de mieux qu’un petit tour à L’Aventure du Sucre, un musée interactif installé dans une ancienne sucrière de Beau Plan, non loin du Jardin de Pamplemousses. La visite est très instructive et sa Boutik riche de nombreuses idées cadeaux.
Ki nou pou manze ?
Qu'est-ce qu'on mange ? Vaste question... Parce que la cuisine de l’île Maurice est à l’image de sa population : un monde à elle toute seule. À la carte d’un restaurant insulaire, on peut tout aussi bien trouver un plat indien, des saveurs chinoises ou une spécialité créole inspirée par un maître-coq breton débarqué il y a des siècles d’un quelconque trois-mâts. Alors, pour vous aider à décider de votre menu, voici un rapide tour d’horizon des grands classiques de la gastronomie locale.
Les gajaks sont aux Mauriciens ce que les tapas sont aux Espagnols : les parfaits compagnons d'un apéritif festif. On en cuisine peu ; on les achète de préférence aux marchand gato, les rois du snacking et de la friture. À l’heure de l’apéritif, ces encas accompagnent un verre de rhum ou de punch, une Phoenix (la vraie « blonde » insulaire) ou, pour ceux qui ne boivent pas d'alcool, un alouda. Ce milkshake des tropiques, véritable boisson nationale, est un mix de lait, de graines de basilic (appelées toukmaria), d’agar agar et de sirop de rose (ou d’essence de vanille).
Sur la table, on trouve des chipeks, des chips de crevettes à la chinoise, les lapate poule, des pattes de poulet caramélisées, des samoussa, les dizef roti, des œufs durs cuits dans une marinade mariant du vin rouge, de la sauce soja, du miel, de la cannelle, des clous de girofle et du gingembre, ou bien encore des dholl puri garnis d’achards (lire ci-après). Les amateurs de beignets sont à la fête avec les gato salé. Il y a les gato brinzel, des rondelles d’aubergine enrobées de pâte, les gato bred mouroum, des beignets à la feuille de moringa, le chana puri, farci aux pois chiches épicés, sans oublier le gato arouille, du nom d’un tubercule au goût de noisette que l’on connaît en France sous le nom d’eddo ou taro. Mais le plus célèbre de ces grignotages reste assurément le gato pima.

© Adobe Stock/Yesac
Le gâteau piment est une boulette frite, faite de pois cassés jaunes, de piment, de coriandre fraîche (cotomili), d’oignons et de sel. Quand il est fait dans les règles de l'art et dégusté sans tarder, il croustille au-dehors, se révèle moelleux au-dedans et, en bouche, s’avère bien moins féroce que son nom ne le laisse supposer. Enfin, pas toujours ; alors soyez prudent ! Et pour encore plus de saveurs, mariez-le à un chatini (à découvrir dans le paragraphe suivant).
L'île Maurice n’est pas seulement la destination rêvée pour tous les affamés de soleil, les amoureux des lagons, les randonneurs infatigables et les aquariophiles chevronnés qui, la tête hors de leur bocal, peuvent enfin admirer des poissons en liberté. Son terroir généreux exploité par des producteurs en quête d’excellence et une cuisine riche de plusieurs influences en font aussi un rêve d’épicurien.
Les produits
du terroir...
Mais quelle mouche a bien pu piquer les Néerlandais quand ils ont décidé d'abandonner leur Mauritius, convaincus qu’ils n’en tireraient jamais rien d’autre que des pépins ? Désolé les Bataves, mais l’île est tout le contraire d’une ingrate ! Sa terre se montre généreuse avec tous ceux qui prennent soin d’elle, récompensant leur labeur de la plus belle des manières : en leur donnant de quoi créer nectars et délices d’exception. Des sucres, des confitures, des thés, des rhums ou des cafés qui, très souvent, partagent un même label : made in Moris. Cette marque officielle atteste de l'origine 100 % mauricienne des produits à laquelle elle est associée. Un vrai gage d'authenticité.
Toute règle a son exception. Ainsi, l’abus de sucre n’est pas bon pour la santé, sauf pour celle de l’économie mauricienne ! Pendant deux siècles, l’île s’est consacrée quasi exclusivement à cette denrée, exploitant jusqu’à 80 000 hectares de cannes à sucre, soit 90 % de ses terres cultivées et… 40 % de sa surface totale ! Elle en tirait chaque année plus de 700 000 tonnes de sucre, exportées en grande partie vers l’Europe. Une grosse dépendance au saccharose à laquelle le pays a mis fin, dans les années quatre-vingt, en s’ouvrant largement au tourisme. La production sucrière a ainsi chuté des deux tiers en près de cinquante ans. Les cannes continuent néanmoins de pousser et les dix dernières usines insulaires — elles étaient deux cent cinquante au XIXe siècle — de les broyer pour en extraire le vesou, ce jus à l’origine du sucre de canne.
Cela dit, si les Mauriciens produisent moins, ils produisent mieux ! Forts d’un savoir-faire centenaire*, ils ont notamment développé le segment des sucres dits « de spécialité » qui font un tabac en Europe. Ils sont au sucre ce que les crus classés sont au bordeaux : la grande noblesse. Demerara fin, sec ou standard, granulé café (ou coffee crystals, délicieux dans un Irish coffee), golden standard ou semoule, sucre mélassé… : il existe à Maurice près d’une vingtaine de variétés haut de gamme. Mais notre préférence — pour en avoir usé avec bonheur dans nos gâteaux maison ! — va au muscovado.

© Adobe Stock/Mara Zemgaliete
On dit qu’il était déjà le préféré de Napoléon. Une chose est sûre, c’est que le muscovado mauricien est aujourd’hui régulièrement loué par les grands chefs et les maîtres pâtissiers hexagonaux. Brun ou clair, il est toujours pur et non raffiné et se frotte ainsi à nos papilles avec toute la puissance de sa mélasse et de ses minéraux. Il les régale alors d’arômes caramélisés, fumés, réglissés. Tout un pain d’épices dans une cuillère ! En plus de ça, il est bien plus healthy que nos sucres ordinaires. Riche en fer, en magnésium, en vitamines A et B, il affiche un pouvoir sucrant tel qu’on peut réduire la quantité de sucre dans sa recette de 25 % au moins pour un résultat équivalent. Mais bon, ça reste du sucre et il est donc à consommer avec modération.
*Pour découvrir l’histoire mauricienne de la canne à sucre et de son industrie, rien de mieux qu’un petit tour à L’Aventure du Sucre, un musée interactif installé dans une ancienne sucrière de Beau Plan, non loin du Jardin de Pamplemousses. La visite est très instructive et sa Boutik riche de nombreuses idées cadeaux.
Ki nou pou manze ?
Qu'est-ce qu'on mange ? Vaste question... Parce que la cuisine de l’île Maurice est à l’image de sa population : un monde à elle toute seule. À la carte d’un restaurant insulaire, on peut tout aussi bien trouver un plat indien, des saveurs chinoises ou une spécialité créole inspirée par un maître-coq breton débarqué il y a des siècles d’un quelconque trois-mâts. Alors, pour vous aider à décider de votre menu, voici un rapide tour d’horizon des grands classiques de la gastronomie locale.
Les gajaks sont aux Mauriciens ce que les tapas sont aux Espagnols : les parfaits compagnons d'un apéritif festif. On en cuisine peu ; on les achète de préférence aux marchand gato, les rois du snacking et de la friture. À l’heure de l’apéritif, ces encas accompagnent un verre de rhum ou de punch, une Phoenix (la vraie « blonde » insulaire) ou, pour ceux qui ne boivent pas d'alcool, un alouda. Ce milkshake des tropiques, véritable boisson nationale, est un mix de lait, de graines de basilic (appelées toukmaria), d’agar agar et de sirop de rose (ou d’essence de vanille).
Sur la table, on trouve des chipeks, des chips de crevettes à la chinoise, les lapate poule, des pattes de poulet caramélisées, des samoussa, les dizef roti, des œufs durs cuits dans une marinade mariant du vin rouge, de la sauce soja, du miel, de la cannelle, des clous de girofle et du gingembre, ou bien encore des dholl puri garnis d’achards (lire ci-après). Les amateurs de beignets sont à la fête avec les gato salé. Il y a les gato brinzel, des rondelles d’aubergine enrobées de pâte, les gato bred mouroum, des beignets à la feuille de moringa, le chana puri, farci aux pois chiches épicés, sans oublier le gato arouille, du nom d’un tubercule au petit goût de noisette que l’on connaît en France sous le nom d’eddo ou taro. Mais le plus célèbre de ces grignotages reste assurément le gato pima.

© Adobe Stock/Yesac
Le gâteau piment est une boulette frite, faite de pois cassés jaunes, de piment, de coriandre fraîche (cotomili), d’oignons et de sel. Quand il est fait dans les règles de l'art et dégusté sans tarder, il croustille au-dehors, se révèle moelleux au-dedans et, en bouche, s’avère bien moins féroce que son nom ne le laisse supposer. Enfin, pas toujours ; alors soyez prudent ! Et pour encore plus de saveurs, mariez-le à un chatini (à découvrir dans le paragraphe suivant).